L’appel à candidatures des exposants 2024 est ouvert jusqu’au 30 avril.

Menu

Portrait : « Jeune talent »


TILKO | Maïa MENTREL
– Créatrice textile & bijoutière –

Quel âge avez-vous et quels sont votre formation et votre parcours ?

À la sortie du lycée, je me suis orientée vers le design à l’UFR des arts de Strasbourg, où j’ai validé ma licence avec une option en architecture d’intérieur. En master, toujours à Strasbourg, je me suis spécialisée dans l’application de la couleur à différents domaines du design tels que l’objet, l’architecture d’intérieur, le graphisme et le stylisme.

Mon stage de fin d’étude m’a conduit aux portes de l’atelier de Tzuri Gueta, où je me suis rapidement sentie à l’aise. J’y suis restée pendant trois années, évoluant de stagiaire à assistante designer, puis finalement à chef d’atelier. J’y ai découvert le plaisir de travailler avec un ou deux matériaux en utilisant des techniques incroyables, de développer des collections et de collaborer sur des projets ambitieux.

Cependant, Paris devenant une ville étouffante pour moi, dès 2018 j’ai commencé à travailler sur le concept de Tilko avec l’intention de me lancer en tant qu’indépendante dans les Vosges. J’ai quitté l’atelier parisien en mars 2019 pour me consacrer entièrement au développement de mon activité, qui a été lancée en janvier 2020. Aujourd’hui, j’ai 31 ans et Tilko existe depuis presque quatre ans.

  

Pourquoi avez-vous choisi cette voie et ce métier ?

J’ai opté pour le domaine du design plutôt que celui de l’art, car sur le plan professionnel, le design offrait une tangibilité supplémentaire. Je n’ai pas suivi une formation en métiers d’art, car je n’avais pas une idée précise de mes préférences à ce moment-là. Je suis quelqu’un de pluridisciplinaire et comme dirait Pierre Soulages « C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche ».

Ainsi, en parallèle de mes études, j’ai cultivé ma créativité en explorant l’aquarelle et en m’impliquant activement dans la musique en participant à des groupes de composition. De plus, j’ai créé des bijoux en utilisant des éléments trouvés ici et là. Finalement, au carrefour de ces diverses pratiques et de mon parcours académique, émergent la couleur et la matière. J’ai fait le choix de l’artisanat d’art afin de pouvoir les expérimenter conjointement.

Quels sont les techniques et savoir-faire que vous utilisez dans votre travail ?

N’ayant pas suivi de formation spécifique dans un domaine des métiers d’art, j’ai découvert ma force dans l’expérimentation des matières. Mon atelier s’est transformé en laboratoire de recherche, où je peux consacrer des mois à perfectionner des techniques uniques façonnées à partir de chutes d’entreprises locales labelisées Entreprise du Patrimoine Vivant (EPV). C’est ainsi que j’ai d’abord développé du velours façonné à la main en utilisant des fils de coton récupérés. Cette technique me permet de créer des motifs uniques, parfois trompeurs grâce à des jeux de couleurs. Le tout est sculpté aux ciseaux pour donner naissance à des bijoux. Par la suite, j’ai mis au point la technique de compression des fils de coton sous une plaque de verre. Cette approche me permet de créer des jeux de couleurs d’une extrême finesse et d’obtenir des effets de matière, que j’exploite pour créer des tableaux, qu’ils soient petits ou grands.

Pouvez-vous expliquer votre choix d’utiliser des chutes d’entreprises locales labellisées Entreprise du Patrimoine Vivant comme matière première ?

Il s’agit d’une volonté de valoriser les chutes de matières provenant d’entreprises locales et de mettre en avant leur savoir-faire en les mentionnant. J’ai découvert le label EPV alors que je me trouvais à Paris. Ce label concerne principalement des entreprises de luxe possédant une histoire et un patrimoine riches. En m’associant à elles, les matériaux récupérés sont invariablement de haute qualité et fabriqués en France. Ainsi, les reliquats ne sont pas gaspillés, et tout le monde est gagnant. Depuis 3 ans je travaille avec les chutes de bobines de Garnier-Thiebaut. Dès que j’ai besoin de matière je les contacte et je récupère les coloris des productions du moment.

Qu’apportez-vous ou qu’aimeriez-vous apporter de novateur à ce métier ?

Mon approche n’est pas nécessairement novatrice, car certains métiers d’art travaillent également avec des matériaux glanés. Cependant, ce qui différencie ma démarche, c’est l’utilisation de chutes nobles destinées à être détruites, afin de créer de nouveaux métiers et de développer de nouvelles techniques. Les métiers d’art ne se limitent pas à la simple transmission de traditions, ils impliquent également une dimension d’innovation et d’adaptation avec son temps.

Comment avez-vous fait évoluer votre travail du bijou à la sculpture ?

À la manière d’un scientifique, c’est la sérendipité qui joue un rôle crucial dans l’évolution de mon travail. Mon atelier, toujours en désordre, abrite un éventail de matières travaillées ainsi qu’une variété de chutes. Parfois, mon regard se pose sur un élément qui éveille ma curiosité et je me lance dans son exploration. C’est ainsi qu’après des mois passés à découper des bijoux en velours, j’ai remarqué que les chutes de fils commençaient à s’agglomérer, formant ainsi une matière intrigante à exploiter. Depuis quelques mois, j’ai osé me lancer dans la création de formats plus grands, et cela a été une expérience extrêmement gratifiante.

Quelles sont votre démarche artistique et vos sources d’inspiration ?

Mon approche comporte deux facettes distinctes. La première démarche vise à mettre en valeur les chutes nobles à travers l’exploration de nouvelles techniques comme vu précédemment. Cette conception, à mi-chemin entre la science et l’art, m’inspire profondément dans mon travail. Je pense notamment à Hors Studio, à l’Atelier Sumbiosis et à William Amor. La seconde démarche consiste en une exploration de la couleur. Je joue avec les nuances et les contrastes pour créer des textures allant du plus réaliste au plus abstrait. Dans cette perspective, je me sens en phase avec les mouvements artistiques du début du siècle dernier, incarnés par des artistes tels que Van Gogh, Matisse et Kandinsky.

Quels sont vos projets professionnels ?

Avec une maîtrise désormais affirmée de mes techniques, je suis en mesure de collaborer avec d’autres artisans ou designers. Cette ouverture me permet d’explorer de nouvelles perspectives créatives en fusionnant nos savoir-faire respectifs. Parallèlement, je reste en quête, prête à évoluer vers de nouveaux horizons. Une fois que j’aurai pleinement exploité le potentiel des bobines de fils, je serai prête à me tourner vers d’autres matériaux, toujours en recherche d’inspiration et de défis.

En tant que jeune créateur, est-ce difficile de se faire sa place dans ce secteur ?

Je crois fermement que l’on peut trouver sa place en proposant quelque chose d’unique et façonné avec soin. Le monde des artisans d’art est empreint de bienveillance, et si l’on offre une création distinctive, on a de bonnes chances de se faire remarquer. La réussite dépend en grande partie du temps et de la persévérance investis. Le chemin à parcourir n’est pas uniforme pour tous, mais avec le soutien de la communauté, chacun peut évoluer à sa manière. Généralement, il faut compter environ cinq ans en moyenne avant de pouvoir réellement vivre de son activité.

Qu’attendez-vous du salon résonance[s] ?

Ce salon était l’un de mes objectifs depuis les débuts de Tilko, et être présente constitue un encouragement formidable. C’est un événement que j’appréciais visiter pendant mes années d’étudiante, et jamais je n’aurais imaginé en faire partie un jour.
Je suis extrêmement heureuse et je travaille activement pour vous proposer des découvertes exceptionnelles !

Son site internet
Réseaux sociaux : @tilkostudio